les résumés

Transcripción

les résumés
2 e trimestre 2015
n° 324
BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2015, N° 324 (2)
S O M M A I RE
ÉDITORIAL
L’éthique éditoriale dans l’intérêt de tous
J. Tassin
3
La place de Irvingia gabonensis dans les communautés villageoises
autour du parc national de Lobeke au Cameroun
R. G. Caspa, J. P. Mate Mweru, M. Ngang Ngwa
5
Gestion participative des forêts : évaluation de l’efficacité des Comités
paysans-forêts dans l’Est-Cameroun
J. F. Kouedji Monthe, A.-C. Pial, G. M. Nguenang, G. A. Fomou Nyamsi
19
Identification des moteurs de déforestation dans la région d’Isangi,
République démocratique du Congo
S. Katembera Ciza, J.-F. Mikwa, A. Cirhuza Malekezi,
V. Gond, F. Boyemba Bosela.
29
Le gorille est-il bon jardinier ? Preuves de l’existence de dispersion
dirigée au Sud-Est du Gabon
B. Haurez, Y. Brostaux, C.-A. Petre, J.-L. Doucet
39
Caractéristiques biophysiques du bois de Pterocarpus erinaceus (Poir.)
en zones guinéenne et soudanienne au Togo
K. N. Segla, A. D. Kokutse, K. Adjonou, P. Langbour, G. Chaix,
D. Guibal, K. Kokou
51
Impacts de la situation géographique et des conditions forestières
sur les propriétés physiques et mécaniques du bois de Pinus pinea l.
en Tunisie du nord
M. T. Elaieb, A. Khaldi, K. Candelier
65
LE POINT SUR
VOS LECTURES
Les arbres utiles du Gabon
Meunier Q., Moumbogou C., Doucet J.-L.
Forests in the ece region, trends and challenges in achieving
the global objectives on forests
United Nations Economic Commission for Europe,
Food and Agriculture Organization of the United Nations
4 – 18
77
78
1
2
BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2015, N° 324 (2)
CONTENTS
EDITORIAL
The publication ethics for the benefit of all
J. Tassin
3
The place of Irvingia gabonensis in village communities
around the Lobeke National Park in Cameroon
R. G. Caspa, J. P. Mate Mweru, M. Ngang Ngwa
5
Participatory forest management: a performance assessment
of smallholder-forester committees in eastern Cameroon
J. F. Kouedji Monthe, A.-C. Pial, G. M. Nguenang, G. A. Fomou Nyamsi
19
Identifying the drivers of deforestation in the Isangi region,
Democratic Republic of Congo
S. Katembera Ciza, J.-F. Mikwa, A. Cirhuza Malekezi,
V. Gond, F. Boyemba Bosela.
29
Is the western lowland gorilla a good gardener? Evidence for directed
dispersal in Southeast Gabon
B. Haurez, Y. Brostaux, C.-A. Petre, J.-L. Doucet
39
Biophysical characteristics of Pterocarpus erinaceus (Poir.)
timber in Togo’s guinean and sudanian zones
K. N. Segla, A. D. Kokutse, K. Adjonou, P. Langbour, G. Chaix,
D. Guibal, K. Kokou
51
Impacts of location and forestry conditions on some physical and mechanical
properties of northern Tunisian Pinus pinea l. wood
M. T. Elaieb, A. Khaldi, K. Candelier
65
FOCUS ON
BOOK REVIEW
Les arbres utiles du Gabon
Meunier Q., Moumbogou C., Doucet J.-L.
Forests in the ece region, trends and challenges in achieving
the global objectives on forests
United Nations Economic Commission for Europe,
Food and Agriculture Organization of the United Nations
4 – 18
77
78
BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2015, N° 324 (2)
É D ITOR I A L
L’éthique éditoriale dans l’intérêt de tous
Comme toute autre revue, Bois et Forêts des Tropiques est
exposée à des pratiques non respectueuses de l’intégrité
scientifique. Nous observons parfois chez des auteurs des
écarts aux normes éthiques requises par l’édition. La pression
éprouvée par les chercheurs pour plus publier, plutôt que
mieux publier, n’y est sans doute pas tout à fait étrangère.
Et comme l’a récemment rappelé Pierre Léna, ancien président du Comité d’éthique du CNRS, le meilleur garant
contre les manquements à l’éthique scientifique demeure
la conscience du chercheur. Conscience individuelle, à l’évidence, mais aussi conscience collective. Aussi, à la pression de publication qui a désormais envahi le quotidien et
la pensée des chercheurs, vient aujourd’hui s’opposer une
réaction éthique de la part des institutions de recherche.
Une réaction saine, nous semble-t-il, à laquelle notre
revue s’associe entièrement.
Les fraudes manifestes que nous relevons dans Bois et
Forêts des Tropiques sont heureusement rares et la plupart
du temps, il s’agit plutôt de pratiques inappropriées. Ces
pratiques n’en sont pas moins regrettables, d’autant
qu’elles tendent à se multiplier mais aussi à se diversifier.
Les manquements à une ligne de conduite intègre, tels que
nous les observons dans les articles soumis à notre revue,
présentent en effet un caractère largement multiforme.
Le manquement le plus courant procède d’un manque de
clarté du protocole d’étude ou d’une négligence dans le
traitement des données, qui se traduisent par des résultats incohérents, injustifiés ou erronés. La frontière entre
l’erreur et la falsification s’avère toutefois ténue, ces deux
notions étant en continuité l’une de l’autre. Généralement, les relecteurs repèrent toutefois très vite ce type de
dérive, quand c’en est une.
Parfois aussi, des chercheurs ne respectent pas les principes élémentaires selon lesquels ils peuvent ou non
apparaître légitimement comme coauteurs d’un manuscrit. Certains éditeurs n’hésitent pas à qualifier cette pratique de « complicité passive ». Les cas où, fournie par
l’auteur correspondant, l’adresse électronique d’un coauteur s’avère non fonctionnelle, sont en soi particulièrement éloquents…
La soumission auprès de notre revue d’un texte déjà
publié par les auteurs dans une autre revue reste heureusement une pratique peu commune. Ce qu’il convient
d’appeler alors « autoplagiat » se produit néanmoins deux
à trois fois par an. Généralement, ce type de pratique reste
assez aisément détectable. Il l’est beaucoup moins
lorsque le manuscrit soumis ne présente délibérément
qu’une fraction de résultats déjà publiés ailleurs.
Une autre dérive relevant de la dissimulation consiste à
soumettre le même manuscrit à plusieurs revues en même
temps, ce qui conduit alors à des situations très inconfortables, voire de blocage, entre les revues et l’auteur correspondant, mais aussi entre les revues elles-mêmes.
Beaucoup plus fréquente, mais aussi certainement plus
savoureuse, est l’approche préalable d’un auteur auprès
de notre équipe éditoriale, selon la technique dite du
« pied dans la porte ». Ceci consiste à nous inviter à accepter par avance un manuscrit qui n’a pas encore été soumis
mais reste évoqué dans ses grandes lignes. Pour sympathique qu’elle soit parfois, cette approche n’est pas
conforme aux fondamentaux de l’éthique éditoriale. Elle
n’est donc pas davantage acceptable.
Il n’y a que des perdants dans la mise en jeu de l’ensemble de ces pratiques. Perte de temps, perte de crédibilité, y compris des institutions représentées par les
auteurs indélicats, mais aussi manifestation d’une perte
d’exigence scientifique. C’est donc au service de tous que
nous sommes invités, au sein de notre équipe d’édition, à
accroître notre vigilance. Ce type d’attention n’est pas des
plus agréables, et nous ne voulons surtout pas entretenir,
au sein de Bois et Forêts des Tropiques, un climat de suspicion à l’égard des auteurs. Ce serait sans aucun doute la
pire des réactions parce qu’elle entretiendrait une forme
de dénigrement de la recherche scientifique.
Alors que faire ? Il nous semble que la prévention et l’information auprès des auteurs, comme le vise cet éditorial,
figurent parmi les meilleures attitudes possibles. L’une
des formes de prévention situées le plus en amont est
manifestement la formation des doctorants aux principes
de l’éthique scientifique. L’accompagnement de leurs premiers manuscrits, que ce soit par leurs encadrants, les
coauteurs ou les éditeurs, offre un contexte pertinent pour
assurer de manière très concrète une telle formation.
L’enjeu est de taille. Comme l’observait déjà en 1992 le
sociologue canadien Serge Larivée1, auteur d’un rapport sur
la fraude scientifique, « il s’en faudrait peut-être de peu, particulièrement en période de récession, pour que les payeurs
de taxes, influencés par la couverture journalistique sensationnaliste de quelques cas célèbres, contestent la masse
budgétaire impartie à la recherche scientifique dans tel ou
tel domaine ou même dans son ensemble. »
Un peu plus de vingt ans plus tard, le contexte n’a hélas guère
évolué favorablement. Notre vigilance à l’égard du respect de
l’éthique éditoriale demeure plus que jamais nécessaire.
Jacques Tassin
Rédacteur en chef
1Larivée
S., Baruffaldi M., 1992. Les Fraudes scientifiques.
Rapport préliminaire. Université de Montréal, Conseil de
recherche en sciences humaines du Canada, 239 p.
3
BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2015, N° 324 (2)
I RVI NG IA G A BON EN SI S / L E PO I NT S U R …
Roseline Gusua Caspa1, 3
Isaac Roger Tchouamo2
Jean Pierre Mate Mweru1
Joseph Mbang Amang3
Marley Ngang Ngwa2
1 University of Kinshasa
Regional Postgraduate School
of Integrated Tropical Forest and
Landscape Management (ERAIFT)
P.O. Box 15373
Kinshasa
Democratic Republic of Congo
The place of Irvingia gabonensis
in village communities around
the Lobeke National Park
in Cameroon
2 University of Dschang
P.O. BOX 96
Dschang
Cameroon
3
Institute of Agricultural Research
for Development (IRAD)
P.O. Box 2123
Yaounde
Cameroon
Photo 1.
A Baka family.
Photograph R. G. Caspa, 2013.
5
6
BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2015, N° 324 (2)
R. G. Caspa, J. P. Mate Mweru,
M. Ngang Ngwa
F OC US / IRVIN GIA GA BO N E NS IS
RÉSUMÉ
ABSTRACT
RESUMEN
LA PLACE DE IRVINGIA GABONENSIS
DANS LES COMMUNAUTÉS
VILLAGEOISES AUTOUR DU PARC
NATIONAL DE LOBEKE AU CAMEROUN
THE PLACE OF IRVINGIA GABONENSIS
IN VILLAGE COMMUNITIES AROUND THE
LOBEKE NATIONAL PARK IN CAMEROON
EL LUGAR DE IRVINGIA GABONENSIS
EN COMUNIDADES CAMPESINAS
ALREDEDOR DEL PARQUE NACIONAL
DE LOBEKE EN CAMERÚN
Le manguier sauvage, Irvingia gabonensis,
est une des essences les plus exploitées
pour des produits forestiers non ligneux
aux alentours du Parc national de Lobeke
au Cameroun. Une enquête auprès des
cueilleurs montre que les fruits sont ramassés en forêt à même le sol, ce qui entraîne
des risques élevés d’attaque par des
gorilles (100 %) et nécessite de longs
séjours en campement (87 %). Tous les
cueilleurs conservent cette essence, la plupart (82 %) en protégeant les semis spontanés, mais ne s’intéressent pas à la plantation. Cependant, près de 68% des cueilleurs indiquent qu’ils l’envisageraient.
L’amande de Irvingia gabonensis est
considérée par les cueilleurs comme la
deuxième ressource alimentaire (98 %) et
la première source de revenus (93 %)
parmi les quatre principaux produits forestiers non ligneux de la région. Un inventaire
a été réalisé pour évaluer l’abondance de
l’essence dans trois systèmes forestiers : la
zone protégée, une forêt de production villageoise (forêt naturelle comprise dans le
domaine forestier non-permanent et gérée
par une communauté villageoise avec l’appui du service forestier) et une zone agroforestière (jachères et associations de cultures/cacao), dans 6 x 3 parcelles de 1 ha.
La production fruitière a été estimée en
comptant les fruits pendant les collectes.
La croissance et la survie des plantules
n’ont été estimées que dans la zone protégée en raison de la rareté des jeunes plants
dans la forêt de production et la zone agroforestière. La densité moyenne des I. gabonensis s’établit à 3,3 arbres/ha, sans écart
significatif entre les trois systèmes forestiers. Le diamètre moyen à hauteur de poitrine ne varie pas significativement entre
les trois systèmes, ni la production fruitière
moyenne. Le taux de survie des semis
baisse à 70 % dans la zone protégée au
bout de 18 mois. La présence majoritaire
d’arbres de diamètre moyen à élevé
indique que la ressource se maintiendra
pendant quelque temps, mais la quasi
absence de jeunes individus permettant de
régénérer ces peuplements vieillissants
compromet la ressource à plus long terme.
L’intensité de la cueillette conduit à recommander l’intégration de cette essence dans
les exploitations agricoles villageoises.
The bush mango, Irvingia gabonensis, is
one of the most heavily used non-timber
tree species around the Lobeke National
Park in Cameroon. A survey among fruit
gatherers showed that the fruits are collected from the forest floor, which
involves very high risks of gorilla attack
(100%) and long camping periods (87%).
All the gatherers preserve this species,
mostly (82%) by protecting wild
seedlings, but they are generally reluctant
to plant it. However, up to 68% of gatherers indicated that they would be willing to
plant the species. The I. gabonensis kernel was ranked by gatherers (98%) as the
second main source of food and the first
main source of income (93%) among four
major Non-Timber Forest Products in the
area. An inventory was carried out to
determine the abundance of the species
in three forest systems: the protected
area, a community production forest (a
natural forest forming part of the non-permanent forest domain and managed by a
village community with the assistance of
the forestry administration) and agroforest (fallow land and productive
crop/cocoa plantations), in 6 x 3 1-ha
plots. Fruit production was assessed by
counting fruits during gathering. Seedling
growth and survival were assessed only
in the protected area because very few
seedlings were available in the production forest and agroforest. The overall
mean density of I. gabonensis was
assessed at 3.3 trees per ha, with no significant difference between the three forest systems. The mean diameter at breast
height of I. gabonensis trees in all three
forest systems was not significantly different. Mean fruit production in the three forest systems also showed no significant
difference. Seedling survival fell to 70%
in the protected area after 18 months.
The presence of mostly medium to large
diameter trees is an indication that the
resource will continue to be available for
some time but the near absence of
younger individuals to replace the ageing
population is detrimental to resource
availability in the long term. Due to the
intensity of gathering, it is recommended
that the local population should actively
incorporate this species into their farms.
El mango africano, Irvingia gabonensis, es
una de las especies más explotadas para
productos forestales no madereros alrededor del Parque Nacional de Lobeke en
Camerún. Una encuesta entre los recolectores muestra que los frutos se recogen en
el suelo del bosque, lo que implica un alto
riesgo de ataques de gorilas (100%) y la
necesidad de acampar durante períodos
prolongados (87%). Todos los recolectores
preservan esta especie, la mayoría (82%)
protegiendo las plántulas silvestres, pero
sin pensar en plantarla. Sin embargo,
cerca del 68% de los recolectores dice que
estaría dispuesto a hacerlo. La almendra
de Irvingia gabonensis es considerada por
los recolectores como la segunda fuente
de alimento (98%) y la primera fuente de
ingresos (93%) entre los cuatro principales productos forestales no madereros de
la región. Se efectuó un inventario para
evaluar la abundancia de la especie en
tres sistemas forestales: el área protegida,
un bosque de producción comunitario
(bosque natural incluido en el dominio
forestal no permanente y manejado por
una comunidad campesina con el apoyo
del servicio forestal) y una zona agroforestal (barbechos y asociaciones de cultivos
con cacao), en 6 x 3 parcelas de 1 ha. La
producción frutal se estimó contando los
frutos durante la recolección. El crecimiento y supervivencia de las plántulas
sólo se estimaron en el área protegida
debido a la escasez de plantas jóvenes en
el bosque de producción y en la zona agroforestal. La densidad promedio de I. gabonensis es de 3.3 árboles/ha, sin variaciones significativas entre los tres sistemas
forestales. El diámetro promedio a altura
de pecho no varía significativamente entre
los tres sistemas forestales, como tampoco lo hace la producción frutal. La tasa
de supervivencia de las plántulas desciende al 70% en el área protegida al cabo
de 18 meses. La presencia mayoritaria de
árboles de diámetro medio a grande
indica que este recurso se mantendrá
durante algún tiempo, pero la ausencia
casi total de individuos jóvenes que permitan regenerar estos rodales envejecidos
hace peligrar este recurso a largo plazo. La
intensidad de la recolección lleva a recomendar la integración de esta especie en
las explotaciones agrícolas campesinas.
Mots-clés : Irvingia gabonensis, ressource vivrière, productivité, Parc national de Lobeke, Cameroun.
Keywords: Irvingia gabonensis, resource
base, productivity, Lobeke National Park,
Cameroon.
Palabras clave: Irvingia gabonensis,
recurso alimenticio, productividad,
Parque Nacional de Lobeke, Camerún.
BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2015, N° 324 (2)
G E ST ION PA R T I CI PAT IV E / L E PO I NT S U R …
Monthé1
Joseph Felix Kouedji
Annie-Claude Pial2
Guy Merlin Nguenang3
Ghislain Aimé Fomou Nyamsi1
1 Université
de Yaoundé I
Faculté des sciences
Laboratoire de botanique-écologie
BP 812, Yaoundé
Cameroun
Gestion participative des forêts :
évaluation de l’efficacité
des Comités paysans-forêts
dans l’Est-Cameroun
2 Université de Yaoundé I
Faculté des sciences
Département de biologie
et physiologie végétales
BP 812, Yaoundé
Cameroun
3 GIZ/ProPSFE/Antenne
de la Région de l’Est
BP 07, Bertoua
Cameroun
Photo 1.
Une pépinière du Comité paysans-forêts Nampella-Nlong, située à Mparo.
Photo J. F. Kouedji Monthe.
19
20
BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2015, N° 324 (2)
J. F. Kouedji Monthé, A.-C. Pial,
G. M. Nguenang, G. A. Fomou Nyamsi
F OC US / PAR T I CIPATORY MA NAGEMEN T
RÉSUMÉ
GESTION PARTICIPATIVE DES FORÊTS :
ÉVALUATION DE L’EFFICACITÉ
DES COMITÉS PAYSANS-FORÊTS
DANS L’EST-CAMEROUN
Le secteur forestier camerounais joue un
rôle très important dans l’économie
nationale et assure un ensemble de fonctions sociales et environnementales.
Dans le souci de gérer ce secteur de
manière durable et participative, la loi
forestière, fruit de l’opérationnalisation
des recommandations du sommet de Rio
de Janeiro, prévoit l’implication des Comités paysans-forêts (CPF), structures représentatives des populations locales, dans
la gestion forestière. Cet article se propose de tirer les leçons de la gestion participative des forêts à travers l’évaluation
de l’efficacité des CPF de deux départements de la région de l’Est-Cameroun, la
Boumba et Ngoko et la Kadey. L’évaluation de ces CPF a été conduite sur la base
des dispositions légales énoncées dans
la décision n° 1354/D/MINEF/CAB du
26 novembre 1999, de laquelle six critères d’évaluation et 20 indicateurs de
performance ont été tirés. Les données
collectées sur le terrain laissent entrevoir
de nombreux dysfonctionnements :
inexistence des CPF dans certaines localités sujettes à l’exploitation forestière,
absence de document normatif et statutaire pour la majorité des CPF, insuffisance des ressources financières autonomes, faible collaboration avec les
autres acteurs de la gestion forestière et
déséquilibre dans la représentativité des
différentes composantes sociales au sein
des bureaux. L’analyse des écarts montre
que les niveaux de conformité des CPF
avec les exigences légales dans les
départements ciblés sont très faibles.
Aucun critère n’est conforme et 65 % des
indicateurs présentent des niveaux de
conformité nuls. En définitive, les objectifs assignés aux CPF ne sont pas atteints,
ce qui met en évidence leur inefficacité.
Des pistes d’amélioration sont proposées
autour de l’information, de l’autonomisation et de la formation des CPF.
PARTICIPATORY FOREST MANAGEMENT:
A PERFORMANCE ASSESSMENT OF
SMALLHOLDER-FORESTER COMMITTEES
IN EASTERN CAMEROON
MANEJO PARTICIPATIVO DE BOSQUES:
EVALUACIÓN DE LA EFICACIA DE LOS
COMITÉS CAMPESINOS-BOSQUES
EN EL ESTE DE CAMERÚN
Cameroon’s forest sector makes a substantial contribution to the national
economy and also fulfils a wide range of
social and environmental functions. In
order to establish sustainable and participatory management of the forest sector,
the forest legislation adopted in line with
the Rio Summit recommendations provides for the involvement of SmallholderForester Committees (CPF) that must be
representative of local populations. This
article aims to draw lessons for participatory forest management from an assessment of the effectiveness of CPFs in two
districts (Boumba-Ngoko and Kadey) in
eastern Cameroon. The CPF assessment
was conducted in accordance with the
legal provisions set out in Decision
N° 1354/D/MINEF/CAB dated November
26th 1999, from which 6 evaluation criteria and 20 performance indicators were
developed. Data collected in the field
reveal dysfunctions in many areas: nonexistence of CPFs in some heavily logged
areas, absence of statutory and compliance documents in many CPFs, inadequacy of autonomous funding, lack of
cooperation with other forest management partners and unequal representation of social groups in committee decisions. Gap analysis shows that CPF compliance with legal requirements in the relevant districts is very low. None of the criteria are met and compliance is nil for
65% of the indicators. Clearly, the objectives assigned to the CPFs are not being
achieved, revealing their ineffectiveness.
Proposed avenues for improvement
focus on information, empowerment and
training for CPFs.
El sector forestal camerunés desempeña
un papel muy importante en la economía
nacional y presta una serie de funciones
sociales y ambientales. Para manejar
dicho sector de modo sostenible y participativo, la ley forestal en la que se plasman las recomendaciones de la cumbre
de Río de Janeiro prevé la implicación de
estructuras representativas de las poblaciones locales, los Comités CampesinosBosques (CCB), en el manejo forestal.
Este artículo se propone sacar enseñanzas del manejo participativo de los bosques mediante la evaluación de la eficacia de los CCB de dos departamentos de
la Región del Este de Camerún: Boumbaet-Ngoko y Kadey. La evaluación de estos
CCB se realizó basándose en las disposiciones legales expresadas en la decisión
N° 1354/D/MINEF/CAB del 26 de
noviembre de 1999, extrayéndose seis
criterios de evaluación y 20 indicadores
de rendimiento. Los datos obtenidos en
campo permiten apreciar numerosas
deficiencias: inexistencia de CCB en
algunas localidades sometidas a aprovechamiento forestal, ausencia de documento normativo y jurídico en la mayoría
de CCB, insuficiencia de recursos financieros autónomos, baja colaboración con
los demás actores del manejo forestal y
desequilibrio en la representatividad de
los distintos componentes sociales en
las oficinas. El análisis de las deficiencias muestra que los niveles de conformidad de los CCB con las exigencias legales
en estos departamentos son muy bajos.
No se cumple completamente ningún criterio y el 65% de los indicadores muestra
niveles de conformidad nulos. En conclusión, no se logran los objetivos atribuidos a los CCB, poniéndose de manifiesto
su ineficacia. Se realizan propuestas de
mejora centradas en la información,
autonomización y formación de los CCB.
Keywords: participatory management,
forest, smallholder-forester committees,
Cameroon.
Palabras clave: manejo participativo,
bosque, comité campesinos-bosque,
Camerún.
Mots-clés : gestion participative, forêt,
comité paysans-forêts, Cameroun.
ABSTRACT
RESUMEN
BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2015, N° 324 (2)
G E ST ION PA R T I CI PAT IV E / L E PO I NT S U R …
Salomon Katembera Ciza1
Jean-Fiston Mikwa2
Augustin Cirhuza Malekezi3
Valéry Gond4
Faustin Boyemba Bosela5
1
Faculté des sciences
et des sciences appliquées
Université officielle de Bukavu
BP 570, Bukavu
République démocratique du Congo
2 Faculté des sciences agronomiques
Université de Kisangani
BP 2012, Kisangani
République démocratique du Congo
3
Institut supérieur des techniques
médicales de Bukavu
République démocratique du Congo
Identification des moteurs
de déforestation
dans la région d’Isangi,
République démocratique du Congo
4 Cirad
UPR BSEF
Campus international de Baillarguet
34398 Montpellier Cedex 5
France
5
Faculté des sciences
Université de Kisangani
BP 2012, Kisangani
République démocratique du Congo
Photo 1.
Coupe et brûlis de la couverture forestière permettant les productions agricoles (riz, maïs et manioc).
Photo K. Ciza.
29
30
BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2015, N° 324 (2)
S. Katembera Ciza, J.-F. Mikwa,
A. Cirhuza Malekezi, V. Gond,
F. Boyemba Bosela.
F OC US / PAR T I CIPATORY MA NAGEMEN T
RÉSUMÉ
ABSTRACT
IDENTIFICATION DES MOTEURS
DE DÉFORESTATION DANS LA RÉGION
D’ISANGI, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE
DU CONGO
IDENTIFYING THE DRIVERS OF
DEFORESTATION IN THE ISANGI REGION,
DEMOCRATIC REPUBLIC OF CONGO
IDENTIFICACIÓN DE LOS MOTORES
DE DEFORESTACIÓN EN LA REGIÓN
DE ISANGI, REPÚBLICA DEMOCRÁTICA
DEL CONGO
La présente étude analyse la perte du
couvert forestier dans la zone du projet
pilote REDD+ intégré d’Isangi entre 2002
et 2010. La région est l’une des zones de
la République démocratique du Congo où
les ressources naturelles sont soumises
à une forte pression anthropique. Cette
étude a permis, grâce aux techniques de
détections multi-temporelles des changements combinées aux enquêtes
menées sur le terrain, de cartographier
les différentes classes d’occupation des
sols mais aussi de déterminer les zones
les plus affectées par la perte du couvert
forestier. Le taux annuel de déforestation
est évalué à 0,13 % (330 ha par an) et les
émissions associées représentent environ 196 000 tonnes de CO2 par an. Les
résultats des entretiens auprès des villageois indiquent que les principales
causes de la déforestation et de la dégradation des forêts sont l’agriculture itinérante sur brûlis et l’exploitation de bois
(bois de chauffage, charbon de bois et
bois de construction). Les préconisations
afin de ralentir le phénomène de déforestation dans la région sont d’améliorer la
production agricole, de formaliser l’exploitation de bois et de diversifier les
sources d’approvisionnement des produits ligneux.
This study analyses the loss of forest
cover in the Isangi integrated REDD+ pilot
project zone from 2002 to 2010. This is
one of the regions in the DRC where
human pressures are most severe. The
study used multi-temporal remote sensing of changes in forest cover combined
with field surveys to map the different
land-use classes and to determine the
zones most severely affected by forest
cover losses. The rate of deforestation is
estimated at 0.13% per year (330 ha)
and the associated emissions at 196 000 t
CO2 per year. The results of the surveys
conducted among the villagers indicate
that the main causes of deforestation
and forest degradation are slash-andburn farming and logging (for firewood,
charcoal and construction timber). The
recommendations made to slow deforestation in this region are to improve
agricultural production, bring logging
into the formal sector and diversify the
sources of supply of timber products.
El presente estudio analiza la pérdida de
cubierta forestal en la zona del proyecto
piloto REDD+ integrado de Isangi entre
2002 y 2010. Esta es una de las zonas de
la República Democrática del Congo
cuyos recursos naturales están sometidos a una fuerte presión antrópica. Este
estudio ha permitido, gracias a análisis
multitemporales de cambios combinados con encuestas de campo, cartografiar los diferentes tipos de uso del suelo
y determinar también las zonas más afectadas por la pérdida de la cubierta forestal. La tasa anual de deforestación se
evaluó en 0.13% (330 ha por año) y las
emisiones asociadas representan aproximadamente 196 000 t de CO2 emitidas al
año. Los resultados de las entrevistas
mantenidas con los campesinos indican
que las principales causas de la deforestación y la degradación forestal son la
agricultura itinerante de roza y quema y
la explotación maderera (leña, carbón de
leña y madera de construcción). Las recomendaciones para frenar el fenómeno de
deforestación en la región son: mejorar la
producción agrícola, formalizar el aprovechamiento maderero y diversificar las
fuentes de suministro de productos
madereros.
Mots-clés : taux de déforestation, émissions de CO 2 , REDD+, télédétection,
causes de déforestation, occupation des
sols, République démocratique du
Congo.
Keywords: deforestation rate, CO2 emissions, REDD+, remote sensing, causes of
deforestation, land use, Democratic
Republic of Congo.
RESUMEN
Palabras clave: tasa de deforestación,
emisiones de CO2, REDD+, teledetección,
causas de la deforestación, uso del
suelo, República Democrática del Congo.
BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2015, N° 324 (2)
D I S P ER S I ON D I RI G ÉE / L E PO I NT S U R …
Barbara Haurez1, 2
Yves Brostaux3
Charles-Albert Petre1, 4, 5
Jean-Louis Doucet1, 2
1 University of Liège Gembloux Agro-Bio Tech
Laboratory of Tropical Forestry
Passage des Déportés 2
5030 Gembloux
Belgium
2
École Régionale Post-Universitaire
d’Aménagement et de Gestion Intégrés
des Forêts et Territoires Tropicaux (ERAIFT)
Kinshasa
Democratic Republic of Congo
Is the western lowland gorilla
a good gardener?
Evidence for directed dispersal
in Southeast Gabon
3 University of Liège Gembloux Agro-Bio Tech
Statistics, Informatics and Mathematics
Passage des Déportés 2
5030 Gembloux
Belgium
4 Centre
for Research and Conservation, Royal
Zoological Society of Antwerp (RZSA)
Projet Grands Singes (PGS)
Belgium
5
Royal Belgian Institute of Natural Sciences
Conservation Biology Unit
Section Education and Nature
Passage des Déportés 2
5030 Gembloux
Belgium
Photo 1.
Western lowland gorilla.
Photograph J.-Y. De Vleeschouwer.
39
40
BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2015, N° 324 (2)
B. HAUREZ, Y. BROSTAUX,
C.-A. PETRE, J.-L. DOUCET
F OC US / D IRECTED D I SPERS AL
RÉSUMÉ
ABSTRACT
RESUMEN
LE GORILLE EST-IL BON JARDINIER ?
PREUVES DE L’EXISTENCE
DE DISPERSION DIRIGÉE AU SUD-EST
DU GABON
IS THE WESTERN LOWLAND GORILLA
A GOOD GARDENER? EVIDENCE FOR
DIRECTED DISPERSAL IN SOUTHEAST
GABON
¿EL GORILA ES UN BUEN JARDINERO?
PRUEBAS DE LA EXISTENCIA
DE DISPERSIÓN DIRIGIDA EN
EL SUDESTE DE GABÓN
Dans les forêts tropicales d’Afrique centrale, le gorille des plaines occidentales
dépose la plupart des graines qu’il disperse dans des nids bien éclairés propices à la croissance de plantules,
laquelle est susceptible d’être renforcée
par l’effet fertilisant des matières fécales
entourant les graines. Cet effet fertilisant
n’avait jamais été testé. Notre étude visait
ainsi à déterminer si le dépôt de graines
par les gorilles (i) dans une matrice fécale
et (ii) dans leurs nids présente un avantage pour le développement des plantules (taux de croissance et de foliation)
et pour leur survie (% de plantules survivantes). Pour évaluer l’effet de la matrice
fécale, des graines de Santiria trimera
(Burséracée), Chrysophyllum lacourtianum (Sapotacée) et Plagiostyles africana
(Euphorbiacée) recueillies dans des
déjections de gorilles ont été semées en
pépinière avec et sans matrice fécale. Des
plantules de Santiria trimera et
Dacryodes normandii (Burséracées) ont
été installées dans des nids et en forêt de
terra firme à couvert fermé afin d’évaluer
l’impact du dépôt de graines sur le développement et la survie des plantules. Nos
observations montrent une influence
positive de la matrice fécale sur le développement des plantules des essences
étudiées, mais aucun effet sur leur survie.
Concernant les sites de dépôt, les taux de
croissance observés étaient de deux à dix
fois plus élevés dans les nids qu’en forêt
à couvert fermé. Le développement accru
des plantules est corrélé positivement
avec l’ouverture du couvert forestier. Des
études in situ de la germination et de la
croissance et la survie des plantules sont
nécessaires pour mieux caractériser le
destin des graines dispersées par les
gorilles. Cependant, nos résultats tendent
à prouver que les gorilles jouent un rôle
de dispersion dirigée important dans les
forêts à couvert ouvert.
In Central African tropical forests, the western lowland gorilla deposits most of the
seeds it disperses in well-lit nesting sites
that can favour seedling growth. The faecal
matrix surrounding the seeds can act as a
fertiliser and further enhance seedling
development. This fertilisation effect had
never been tested. Our research therefore
aimed to determine whether seed deposition by gorillas (i) in faecal matter and (ii) in
nest sites is advantageous for seedling
development (growth rate and foliation
rate) and survival (% of surviving
seedlings). To assess the effect of the faecal matrix, seeds of Santiria trimera (Burseraceae), Chrysophyllum lacourtianum
(Sapotaceae) and Plagiostyles africana
(Euphorbiaceae) collected from gorilla faeces were sown in a nursery with and without a faecal matrix. Seedlings of Santiria
trimera and Dacryodes normandii (Burseraceae) were established in nest sites and
in closed canopy terra firme forest sites to
assess the impact of seed deposition on
seedling development and survival. The
faecal matrix was observed to positively
influence seedling development in the
species studied, but showed no effect on
survival. Regarding seed deposition sites,
the development rates observed were two
to ten times higher in the nest sites than in
closed-canopy forest. This enhanced
seedling development was positively correlated with canopy openness. In situ studies
of seed germination, seedling growth and
survival are needed to characterise the fate
of gorilla-dispersed seeds more precisely.
However, our results offer evidence that
gorillas provide important directed dispersal services by depositing seeds most frequently in open canopy sites.
En los bosques tropicales de África Central, el gorila de llanura occidental deposita la mayoría de las semillas que dispersa en nidos bien iluminados que favorecen el crecimiento de las plántulas. Este
crecimiento podría verse reforzado por el
efecto fertilizante de la materia fecal que
rodea las semillas. Dicho efecto fertilizante nunca se había evaluado. Por ello,
el objetivo de nuestro estudio consistía en
determinar si la deposición de semillas
por los gorilas (a) en una matriz fecal y (b)
en sus nidos supone una ventaja para el
desarrollo de las plántulas (tasa de crecimiento y de foliación) y para su supervivencia (% de plántulas supervivientes). Se
recolectaron semillas de Santiria trimera
(Burseráceas), Chrysophyllum lacourtianum (Sapotáceas) y Plagiostyles africana
(Euforbiáceas) en las heces de los gorilas
y se sembraron en vivero con y sin matriz
fecal. Se establecieron plántulas de Santiria trimera y Dacryodes normandii (Burseráceas) en nidos y en bosque de tierra
firme con dosel cerrado para evaluar el
impacto de la deposición de semillas en
el desarrollo y supervivencia de las plántulas. Nuestras observaciones muestran
una influencia positiva de la matriz fecal
en el desarrollo de las plántulas de las
especies estudiadas, pero ningún efecto
en su supervivencia. Con respecto a los
lugares de deposición, las tasas de crecimiento observadas fueron dos a diez
veces más altas en los nidos que en el
bosque con dosel cerrado. El mayor desarrollo de las plántulas estaba positivamente correlacionado con la apertura del
dosel de copas. Es necesario realizar estudios in situ de germinación de semillas y
de crecimiento y supervivencia de las
plántulas para caracterizar mejor el destino de las semillas dispersadas por los
gorilas. Sin embargo, nuestros resultados
aportan evidencias sobre el importante
papel de los gorilas en la dispersión dirigida en bosques con dosel abierto.
Mots-clés: Gorilla gorilla gorilla, effet fertilisant, dispersion dirigée, comportement de nidification, dispersion des
graines, croissance des plantules, survie
des plantules, Gabon.
Keywords: Gorilla gorilla gorilla, fertilisation effect, directed dispersal, nesting
behaviour, seed dispersal, seedling
growth, seedling survival, Gabon.
Palabras clave: Gorilla gorilla gorilla,
efecto fertilizante, dispersión dirigida,
comportamiento de nidificación, dispersión de semillas, crecimiento de las plántulas, supervivencia de las plántulas,
Gabón.
BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2015, N° 324 (2)
BO IS D E P TE ROCA RP U S ERI NAC EU S / L E P OI NT S U R …
Caractéristiques biophysiques
du bois de Pterocarpus erinaceus
(Poir.) en zones guinéenne
et soudanienne au Togo
Kossi Novinyo Segla¹
Adzo Dzifa Kokutse¹
Kossi Adjonou¹
Patrick Langbour²
Gilles Chaix³
Daniel Guibal²
Kouami Kokou¹
1
Université de Lomé
Faculté des sciences
Laboratoire de botanique
et écologie végétale
BP 1515, Lomé
Togo
2
Cirad
Département PERSYST
URP BioWooEB
34398 Montpellier Cedex 5
France
3
Cirad
Département BIOS
UMR AGAP
34398 Montpellier Cedex 5
France
Photo 1.
Pied de Pterocarpus erinaceus dans son milieu naturel au Togo.
Photo K. N. Segla.
51
52
BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2015, N° 324 (2)
K. N. Segla, A. D. Kokutse,
K. Adjonou, P. Langbour, G. Chaix,
D. Guibal, K. Kokou
F OC US / P TE RO CAR PU S ER INACEUS WOO D
RÉSUMÉ
ABSTRACT
RESUMEN
CARACTÉRISTIQUES BIOPHYSIQUES
DU BOIS DE PTEROCARPUS ERINACEUS
(POIR.) EN ZONES GUINÉENNE
ET SOUDANIENNE AU TOGO
BIOPHYSICAL CHARACTERISTICS
OF PTEROCARPUS ERINACEUS (POIR.)
TIMBER IN TOGO’S GUINEAN
AND SUDANIAN ZONES
CARACTERÍSTICAS BIOFÍSICAS DE LA
MADERA DE PTEROCARPUS ERINACEUS
(POIR.) EN LA ZONA GUINEANA
Y SUDANESA DE TOGO
Pterocarpus erinaceus (Poir.) est l’une
des espèces des domaines climatiques
soudanien et guinéen du Togo. Son
importance socio-économique tient à ses
nombreuses utilisations. Toutefois, la
sylviculture et les propriétés technologiques du bois sont mal connues. C’est
dans ce contexte qu’un travail a été mené
pour déterminer les propriétés physiques
et mécaniques (densité, retraits, PSF,
MOE, MOR, compression, dureté) de son
bois en relation avec les conditions du
milieu. Les résultats observés sur les
bois de 19 arbres, âgés de 18 à 60 ans
environ, prélevés dans deux zones écologiques (Parc de la Kéran, zone soudanienne ; Abdoulaye, zone guinéenne),
montrent des différences de densité,
d’infra-densité, de contrainte de rupture
en compression et d’anisotropie des
retraits. Ces propriétés sont plus élevées
à Kéran qu’à Abdoulaye. Pour les retraits,
le PSF, le MOE, la contrainte de rupture
en flexion et la dureté, il n’y a pas de différence significative entre les deux sites.
Cette étude met en évidence des corrélations attendues entre la densité et la
dureté. Elle montre aussi que les propriétés physiques et mécaniques du bois de
vène sont très peu influencées par l’âge
cambial.
Pterocarpus erinaceus (Poir.) is a tree
species found in the Soudanian and
Guinean climatic zones in Togo. It is of
high socio-cultural importance because
of its many uses, but little is known about
the technological properties of its wood.
This is why a study was conducted to
determine the physical and mechanical
properties (density, shrinkage, FSP, MOE,
MOR, compression, hardness) of its
wood in relation to environmental conditions. The results for the wood of 19 trees
of about 18 to 60 years of age, growing in
two ecological zones (Keran Park in the
Sudanian zone and Abdoulaye in the
Guinean zone), show that density, infradensity, compressive yield stress and
anisotropic shrinkage are all higher in
the Keran trees. Regarding shrinkage,
FSP, MOE, tensile strength and hardness,
no significant differences were found
between the two sites. The expected correlations were found between density
and hardness. The study also shows that
the physical and mechanical properties
of Pterocarpus erinaceus wood are virtually unaffected by cambium age.
Pterocarpus erinaceus (Poir.) es una de
las especies de los dominios climáticos
sudanés y guineano de Togo. Su importancia socioeconómica se deriva de sus
muchos usos. Sin embargo, la silvicultura y las propiedades tecnológicas de la
madera son mal conocidas. En este contexto, se llevó a cabo un estudio para
determinar las propiedades físicas y
mecánicas (densidad, contracciones,
PSF, MOE, MOR, compresión, dureza) de
su madera en relación con las condiciones ambientales. Los resultados observados en la madera de 19 árboles, de
unos 18 a 60 años de edad, sacados de
dos áreas ecológicas (Parque del Kéran,
zona sudanesa y Abdoulaye, zona guineana), muestran diferencias de densidad,
densidad básica, esfuerzo de ruptura en
compresión y anisotropía de las contracciones. Estas propiedades son más altas
en Kéran que en Abdoulaye. Respecto de
las contracciones, PSF, MOE, esfuerzo de
ruptura en flexión y dureza, no hay diferencias significativas entre ambos sitios.
Este estudio evidencia las esperadas
correlaciones entre densidad y dureza.
Asimismo, se demuestra que las propiedades físicas y mecánicas de la madera
de Pterocarpus erinaceus se ven muy
poco influidas por la edad cambial.
Mots-clés : Pterocarpus erinaceus, propriétés physiques et mécaniques,
milieux, Togo.
Keywords: Pterocarpus erinaceus, physical and mechanical properties, environments, Togo.
Palabras clave: Pterocarpus erinaceus,
propiedades físicas y mecánicas, medio
ambiente, Togo.
BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2015, N° 324 (2)
P I N US P I N EA / L E PO I NT S U R …
Impact of location and forestry
conditions on some physical
and mechanical properties
of northern Tunisian
Pinus pinea L. wood
Mohamed Tahar ELAIEB1
Abdelhamid KHALDI1
Kévin CANDELIER2
1
National Institute
of Agricultural Engineering
Research, Water and Forestry
INRGREF, UGVRF, LGVRF
B.P. 10
2080 Ariana
Tunisia
2
Cirad
UR 114 BioWooEB
TA B-114/16
34398 Montpellier Cedex 5
France
Photo 1.
Pinus pinea trees located in the Northern Tunisia.
Photograph A. El Khorchani.
65
66
BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2015, N° 324 (2)
F OC US / P INU S PIN E A
M. T. Elaieb, A. Khaldi, K. Candelier
RÉSUMÉ
ABSTRACT
RESUMEN
IMPACTS DE LA SITUATION
GÉOGRAPHIQUE ET DES CONDITIONS
FORESTIÈRES SUR LES PROPRIÉTÉS
PHYSIQUES ET MÉCANIQUES DU BOIS
DE PINUS PINEA L. EN TUNISIE DU NORD
IMPACTS OF LOCATION AND FORESTRY
CONDITIONS ON SOME PHYSICAL AND
MECHANICAL PROPERTIES OF
NORTHERN TUNISIAN PINUS PINEA L.
WOOD.
IMPACTOS DE LA UBICACIÓN Y DE LAS
CONDICIONES FORESTALES EN LAS
PROPIEDADES FÍSICAS Y MECÁNICAS DE
LA MADERA DE PINUS PINEA L. EN EL
NORTE DE TÚNEZ
Les pins Pinea sont utilisés depuis l’ère
préhistorique pour leurs pignons de pin
comestibles. Plus récemment, ces pins ont
été introduits en tant qu’essence ornementale dans les régions à climat méditerranéen, où ils sont fréquents dans les parcs
et jardins. Cependant, dans le Maghreb, ils
se sont naturalisés au-delà des villes au
point d’être classés comme essence invasive. De par ses dimensions (au moins 1520 m de hauteur et 30-40 cm de diamètre),
Pinus pinea offre un potentiel intéressant
comme source de bois d’œuvre en Tunisie.
Cette étude visait à analyser les effets de la
situation géographique et des conditions
forestières sur certaines propriétés physiques et mécaniques du bois de Pinus
pinea dans le nord de la Tunisie. Les échantillons analysés ont été recueillis dans quatre sites différents, sur 87 parcelles classées selon la densité des arbres et les paramètres de fertilité des sols. Des mesures de
densité, de retrait et teneur en eau ont été
effectuées sur chacun des échantillons,
ainsi que des tests de résistance mécanique. Les premiers résultats indiquent un
rapport stable entre les dimensions et la
densité du bois de Pinus pinea tunisien.
Cependant, le module de rupture (MOR) en
flexion et en compression est plus faible
que pour d’autres résineux en Tunisie,
quelles que soient la situation géographique et la fertilité des sols. L’analyse de
régression linéaire montre que la densité
des peuplements est le seul paramètre
ayant une influence significative sur la
variabilité des propriétés du bois, à l’exception de la stabilité dimensionnelle et le
retrait volumique. Nos résultats indiquent
que la densité croissante des peuplements
de Pinus pinea est un paramètre forestier
déterminant pour les propriétés physiques
et mécaniques du bois de cette essence. Il
y aurait ainsi intérêt à améliorer les conditions forestières pour obtenir un bois de
meilleure qualité.
Pinea pines have been used and cultivated
for their edible pine nuts since prehistoric
times. More recently, Pinus pinea L. has
been introduced as an ornamental tree in
Mediterranean regions, and is now often
found in city parks and gardens. However,
it has become naturalized outside North
African cities to the point that it is now
classified as an invasive species there. Its
size (more than 15-20 m in height and 3040 cm in diameter) makes Pinus pinea a
good candidate eco-resource for construction materials in Tunisia. The focus of this
study was to analyze the effects of geographical location and forestry conditions
on several physical and mechanical properties of Northern Tunisian Pinea pine
wood. The Pinus pinea wood samples
studied were collected from four different
geographical locations, divided into 87
plots according to tree population density
and soil fertility class. Density, shrinkage
and moisture content were measured and
mechanical tests were performed on each
wood sample. Preliminary results showed
that Tunisian Pinea pine wood has very
good dimensional stability in relation to its
density. However, the modulus of rupture
(MOR) in bending and compression
strength is lower than in other Tunisian
softwood species, whatever the geographical situation and soil fertility. A linear
regression analysis showed that only tree
population density seems to have a significant impact on the variability of Pinea
wood properties, except for dimensional
stability and volumetric shrinkage. Our
findings suggest that the growing population density of P. pinea trees is the most
important forestry parameter determining
its mechanical and physical wood material
properties. It could therefore be of interest
to improve forestry conditions to obtain
better wood quality.
Los pinos Pinea se emplean desde tiempos
prehistóricos por sus piñones comestibles.
Más recientemente, estos pinos fueron
introducidos como especie ornamental en
regiones de clima mediterráneo, en donde
abundan en parques y jardines. Sin
embargo, en el Magreb se han ido naturalizando fuera de las ciudades hasta ser considerados como una especie invasora. Por
sus dimensiones (más de 15-20 m de altura
y 30-40 cm de diámetro), Pinus pinea presenta un interesante potencial como fuente
de madera de construcción en Túnez. El
objetivo de este estudio era analizar los
efectos de la ubicación geográfica y de las
condiciones forestales en algunas propiedades físicas y mecánicas de la madera de
Pinus pinea en el norte de Túnez. Las muestras analizadas se tomaron en cuatro sitios
distintos, en 87 parcelas clasificadas según
la densidad de los árboles y los niveles de
fertilidad de los suelos. En todas las muestras, se efectuaron mediciones de densidad, contracción y contenido de humedad,
así como pruebas de resistencia mecánica.
Los primeros resultados muestran una relación estable entre las dimensiones y la densidad de la madera del Pinus pinea tunecino. Sin embargo, el módulo de ruptura
(MOR) a flexión y compresión es menor que
en otras coníferas de Túnez, independientemente de su ubicación geográfica y de la
fertilidad del suelo. El análisis de regresión
lineal mostró que la densidad de los rodales es el único parámetro que influye significativamente en la variabilidad de las propiedades de la madera, exceptuando la
estabilidad dimensional y la contracción
volumétrica. Nuestros resultados indican
que la creciente densidad de los rodales de
Pinus pinea es un parámetro forestal determinante para las propiedades físicas y
mecánicas de la madera de esta especie.
Sería, pues, interesante mejorar las condiciones forestales para lograr una madera de
mayor calidad.
Mots-clés: Pinus pinea L., bois d’œuvre,
module de rupture (MOR), propriétés
physiques et mécaniques, bois, Tunisie,
forêt méditerranéenne.
Keywords: Pinus pinea L., structural
material, modulus of rupture (MOR),
physical and mechanical properties,
wood, Tunisia, Mediterranean forest.
Palabras clave: Pinus pinea L., madera
de construcción, módulo de ruptura
(MOR), propiedades físicas y mecánicas,
madera, Túnez, bosque mediterráneo.